12.2015 – En septembre, l’Assemblée Générale de l’ONU à New York a adopté un ensemble de 17 objectifs pour un développement durable (ODD) global dans le but d’atteindre, d’ici 2030, un monde sans pauvreté, sans inégalités et plus durable. Il s’agit d’une nouvelle feuille de route destinée à remplacer les 8 Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), instaurés en 2000 dans le but de concentrer l’effort de l’aide internationale sur quelques points clés, comme la réduction de la pauvreté, l’accès à l’éducation ou le combat contre le VIH/Sida. L’agenda 2030 considère enfin les dimensions sociales, économiques et environnementales, avec pour objectif final « de permettre à chacun de vivre durablement dans la dignité ».
La principale nouveauté réside dans le fait que, contrairement aux OMD qui s’apparentaient à un agenda planifié par les pays de l’OCDE pour les pays du Sud, les ODD résultent d’un processus remarquablement participatif : 70 pays se sont partagés 30 sièges au sein d’un groupe de travail ouvert. Plus de 5’000 organisations de la société civile de 120 pays ainsi que des responsables de centaines d’entreprises privées, des citoyens et des universitaires ont participé activement.
Des changements d’ordre sémantique confirment les ambitions du projet: il n’est plus question de réduire la pauvreté, mais de l’éradiquer. Des nouveaux enjeux apparaissent: l’environnement notamment prend une place primordiale et transversale. La lutte contre les inégalités ne pourra se faire que dans le respect de l’environnement et de la biodiversité et par des modes de production et de consommation responsables et équitables. Des thèmes chers à GeTM, tels que la construction d’une paix durable, l’emploi décent, l’égalité de genre ou l’accès à l’eau propre font aussi leur apparition.
Les actions soutenues par GeTM dans le Sud sont parfaitement compatibles avec ces nouveaux efforts de la communauté internationale.
Les interdépendances entre pays riches et pauvres sont mises en évidence. Cette-fois ci, les objectifs s’appliqueront à tous les pays, au Nord et au Sud. C’est pourquoi les ODD nous appellent à la cohérence d’une politique de coopération au développement en concordance avec la politique de développement durable locale. La Suisse est ainsi astreinte à prendre ses responsabilités à l’égard des pays en développement et à ne plus couper dans le budget de l’aide au développement. Elle est par ailleurs tenue de reconsidérer certaines politiques et de procéder à des adaptations – que ce soit dans les domaines climatiques ou énergétiques, dans la responsabilité de ses entreprises ou encore dans l’égalité sociale.
Les critiques envers ce programme sont déjà nombreuses: Absence de priorités stratégiques, uniformisation géographique ou encore de buts mesurables mélangés à des vœux pieux. Encore un bémol : Le dispositif repose sur la bonne volonté des acteurs, mais il ne prévoit pas des contraintes ou des sanctions pour ceux qui s’en désintéresseront. Est-ce à la société civile de s’en soucier et d’exercer des mécanismes de contrôle?
Le coût des ODD, 5’000 milliards de dollars par an, laisse également songeur quand on sait que l’aide publique au développement représente aujourd’hui moins de 3% de ce montant. Il paraît un peu naïf de vouloir résoudre la question en ne comptant que sur le concours massif du secteur privé. Même en reconnaissant l’importance de l’engagement du secteur privé dans le développement économique des pays du Sud, l’expérience montre que les logiques de profit s’éloignent des valeurs éthiques promues par cet agenda. Des convergences peuvent s’opérer dans certains cas, bien sûr. Mais que se passera-t-il dans tous les autres?
Beaucoup de doutes planent encore autour de ces nouveaux objectifs. Mais il est certain qu’ils vont structurer les prochaines politiques de coopération internationale. C’est dans ce contexte que le Conseil fédéral prépare son message pour la période 2017-2020. Ce texte, soumis aux chambres fédérales l’année prochaine, établira les priorités stratégiques et les enveloppes budgétaires de l’aide publique au développement suisse pour les quatre années à venir. Il s’agit non seulement d’honorer les engagements pris au titre des ODD envers les pays du Sud, mais aussi de considérer la mise en œuvre de l’Agenda 2030 en Suisse. Ceci passe par une plus grande cohérence des politiques publiques. Les questions fiscales devront figurer au premier plan, notamment en lien avec le commerce des matières premières.
Pour GETM, ces ODD doivent devenir un levier de pression supplémentaire pour rappeler aux autorités fédérales et cantonales leurs engagements en faveur de l’aide au développement. Mais aussi pour encourager la mobilisation citoyenne sur certains enjeux, qui paraissent si lointains et déconnectes de notre quotidien.
Plus que jamais, nous devrons faire preuve de créativité pour trouver des financements innovants et contribuer aux chances d’aboutissement de ces ODD. GeTM reste cependant persuadée que la contribution du secteur privé ne doit pas se faire au détriment de l’aide publique au développement, qui reste une ressource légitime pour lutter contre les inégalités à l’échelle de la planète.
Alejandro Mackinnon, Secrétaire général